Comme on dit des œufs quand ils montent en neige sublimés par chaque tension de la mêlée empreinte des correspondances.
(c) Matana Roberts
On a beau extraire la voix / ce qui semble ce mouvement incessant de la ville la gestuelle urbaine monte non retirée de sa matière / de la lumière cafardeuse mais augmentée de la certitude qui l’effile elle n’est pas une épée plutôt l’orage des soifs et garde sa puissance singulière la voix monte incessante méditation au milieu du brouhaha rehaussée du tranchant détaché du collage fondu dans la colle elle parvient à frapper comme un coup de poing qui échappe dans la beauté elle est belle elle s’entend elle est spiritualité elle s’étend comme l’énergie du bruit montée en musique il n’y pas de point il n’y a pas de ligne juste la voix ascensionnelle
La voix s’apaise la paix s’étend sur les bruits anciens un poème autoproclamé pourtant parle des départs des troupes en Irak on se souvient tous du GI et on allume des bougies et le noir se fait sans que la salle se rallume. Il n’est pas besoin de l’argot des rues pourquoi taguer les murs quand on peut s’exposer à la voix dessiner à la vitesse infinie du son faire surgir de tous les dessins le dessin la forme indigo le trait épais la spirale qui recouvre toutes les autres la voix fine quand la voix se fait rauque la voix vaste la main large comme le temps et le dessin qui la maintient.
Par la porte rejoignant sans ouvrir la fenêtre les histoires sans nombre qui marchent fermés sans les qualifier dans la rue des gens qui restent anonymes mais parlent dans leur sommeil et écrivent l’histoire dans les rides et s’attablent pour boire un coup ou frappent ou s’abstiennent le soir quand épuisés ils rentrent / elle en parle par stridence et sans rien proférer qui ne soit définitif préférant un rythme d’écoulement et pèse, le mot même est de trop quand il faut évoquer/ une image alors ou mieux une succession une suite un collage un défilement car alors aucun focus ni de traine ni ne demande des explications réveillant ce qui ne dort pas mais s’étend jusqu’à ce que ça lâche, claque , s’interrompt brutalement dans un ton de déflagration comme la ville en est plein. / Chaque son reprenant l’échange ou la rencontre quand UN s’additionne à un s’ajoute se confond dans des corps des instants violemment qui ne forment jamais une image s’étoffe qui couvre à jamais et sans conclure qui ne vaille un son le son qui sans résumer sans pli limitent la tendresse.
l’en bouche l’en tonoir va ramasser des mots dans ce clin ou seul le blanc de l’œil n’est pas noir. Pousser une porte sur le vide revient à se cacher derrière des livres que l’on ne voit pas, face ou de dos parfois ils bougent et migrent. Cela va de plus en plus vite Dans le fil étroit l’on entend que ça pousse Parfois un vieil homme médite La porte de Babylone s’ouvre c’est à dire que là où s’ouvre la porte des gens pressés se cachent Sautent dans les vides Il y a un brouhaha de tous les diables et les morts se mettent à chanter.
Matana Roberts
Dehors dans les rues ce que tu promène avec toi les barques obscures chargées des frères chargées des nouveaux nés On ne sait pas ce qu’il y a dedans tu grimpes sans grimper, la pénombre favorise le rêve et l’éclosion C’est pourquoi j’ai commencé il y longtemps à les ouvrir et à en faire des tas, c’est pourquoi je suis parti maintes et maintes fois vérifier si l’histoire était vraie Maintenant souvent l’histoire ne sert que de point de départ Maintenant la source coule Maintenant le monde est en marche Maintenant le monde n’en finit pas Maintenant le monde écoute.
Comment peindre ce qui est indubitablement est, un portrait, fidèle avec ses envolées, dans cette série il y a le mystère qui indubitablement est. Des aplats, d’abord un regard, puis une surface, avec scratch ou aspérités, l’halène et l’aspic c’est un voyage de légende dans la toile. Le sable recourt le noir mais toute l’histoire des générations comme un instantané.
(c) kerry james marshall
Que me dit de toi cet ex-voto , tu signe la date, le nom, la peinture parle toujours d’un autre comme un témoignage en soi d’un mystère. Rehaussé au rang d’icône, les séances de psychothérapie ne disent pas tout de ce qu’il y a à voir et les traits immobiles, figés comme un photomaton ne sont pas l’œuvre d’un instant mais d’une aptitude à tous les actes d’une vie, et pas une ride, comme une prédisposition semblable à celles que portent les spermatozoïdes quand ils s’élancent, se fichent dans le monde, la tête la première au saut de l’élastique. Alors des grands coups de pinceaux plantent le décor, il n’y a pas d’épaisseur mais l’on devine le père, la mère, l’oncle, le grand père et les aïeuls d’Afrique et sur cet autel au seuil des lèvres, un tremblement, sorte de manifeste. Pour autant je serai mort demain ou après demain. clap de fin. Mais maintenant je vis, c’est manifeste, vibrant, criant tout est contenu ne demande qu’à sortir, s’exprimer. Il y a des roses comme à la naissance, tout autours de ce visage sans fard, beau, tout un champs de coton et les initiales d’un destin, il n’y a plus qu’à combler les vides et se laisser aller à être volubile. vita volubilis.
(c) Kerry James Marshall
Au delà de la peau, contrefaçon de textures de bois d’ébène, patine des masques, clichés pour la revue « ebony » il y a des images ressassées qui n’en sont pas. La peau fait masse c’est qu’elle n’est plus la peau qu’elle est plus que la peau mais une sorte de densité, qu’elle soit habillée d’un polo Lacoste ou nue, la couleur est pleine, semble attirer la peau à la vie, sans qu’il y ait d’extérieur ni que cette description ramène à la personne, celle décrite nommément, alors quoi ce serait une densité, une saturation telle que l’on n’y verrait plus rien d’autre qu’elle même et le rapport aux objets, qui tout de même, est possible, qui s’impose. Portrait à l’appartement rangé.
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Gauguin dans les cauchemars l’avait peint, est-ce plus facile que le blanc ? le blanc est-il plus détaillé et sombre t’il dans la complaisance de détail qui, sans sembler appartenir à plus vaste que soi? le corps quoi qu’il fasse est ramené à ce qu’il n’est pas ou à ce qui le dépasse, ce n’est pas tant qu’il lorgne vers ses possessions, qu’il semble lié par une quelconque familiarité, occurrence ou simplement l’occasion, la description d’un moment, état d’âme, car il y a de l’âme et d’une pensée. Je me sens aller vers la littérature et je voudrais citer Tony Morrison, celle de « Home », plutôt . Il y a de la description de quelque chose de la faille intemporelle, d’une rupture dans le schéma, là le croquis, la planche de BD ne fonctionne plus comme texte , alors il faut incorporer les éléments dans la chambre et redresser le schéma fictif. Le récit sanglote dans un seul tableau sans lien apparent avec la figure centrale, les yeux démentent, le corps raconte l’histoire comme cousue de fil blanc et point par point coud l’improbable ensemble, c’est très ressemblant. c’est un roman, un canevas, les yeux crachent l’histoire jusqu’au bord des larmes, jusque dans les bords parfois trop bien peints, parfois comme un tag ou une reprise au pinceau de bâtiment. C’est facile, rien ne ment.
(c) kerry james marshall
Il faut porter la fresque hors de la chambre. Mais alors on s’embarque pour une virée nocturne, alors le visage, la robe, les jeans ne sont plus l’histoire, elle s’échappe et c’est un leurre, à y regarder de plus cette succession d’histoire en une seule qui se répètent, c’est la voix qui la porte, la voile on souffle cette fumée de cigarette, ces objets de la spiritualité du quotidien comme une offrande, sur la table de nuit le candomblé redouble d’intensité, c’est palpable, l’on parle de quelqu’un d’autre. On a déjà parlé de densité, dans l’avenue il n’y a pas de bateau, il faut bien que ce soit une embarcation de l’intellect, un engagement dans l’avenue du sensible, sur les murs un recueillement d’hymne Motown à la messe urbaine, est une faille, une assemblée, une rupture, un credo, on a trop longtemps mis sur leur dos l’archétype, comme si d’un il n’y en avait qu’un, que chacun n’était pas clos et qu’il suffise de crack en crack, krik krak et Zora sur le porche à enfiler le collier des perles des devinettes, le deep south, les South et les scats de Harlem sont une succession tout en épaisseur digne d’un masque du Congo, planter des clous plutôt que choux, de guimauve de déhanché de disco, sensualité qui aime à sortir et brille, l’hallucination étincelante, proclame l’avènement d’un style nouveau : décrypter l’âme mais écouter, j’appelle à la barre la prochaine diapo, le témoin qui saura dire:
(c) Kerry James Marshall:
Il y a de la sensualité, et mes fantasmes sur fond musical, assis à une table de jazz. Que dit le portrait ? Rien que je n’ai déjà rabâché, ou plutôt tout contenu dans cette attente, cette attention , cet attendu , la somme des possibilité l’étreinte de tous les parfums dans un gloussement, mais l’on va m’accuser de partialité, de ne savoir écouter. Mais voici qu’au delà de la poussée fictive de mes fantasmes, tous les signes distinctifs y sont attachés dont on fait une peinture, black suburban middleclass my love, c’est bien sûr l’art d’attacher, subtilement et sans prétention c’est dans le poème, sur la toile étendue à l’accession au statut.
Et pour finir, l’auteur s’explique sur ces intentions, certes, le style est du plus pur comic strip mais n’est ce pas justement l’idéal pour laisser le portrait s’expliquer de ses intentions, dérives, contextes et subtilités inexpliquées.
je ne l’ai appris qu’aujourd’hui , est mort le 25 avril 2008 , soit le lendemain de mon anniversaire , j’avais le cœur gros et je ne savais pas pourquoi !
le IHT s’en fait l’écho
Old free white bird toi qui a été comme un phare dans ma formation artistique , chantre de la liberté , toi , après Jeanne Lee , tu nous a quitté !
un poème que tu m’avais inspiré douze ans déjà :
Il y a les fibres du devenir
dans le présent
de ce qui était hier
je suis neuf
emplit de sève renouvellée
vierge et hors du temps
oiseau sur une branche qui rit
regard vert dans une chevelure noire qui luit
dans son regard
la nuit des temps renouvellée
dans cet instant
cet éclair
qui explose en un monde nouveau
qui se détache d’hier
un à un
dans un équilibre instable
libre
voletant
bulle
qui tournoie sur elle même
de gauche
de droite
dans un mouvement espiègle
imprévisible
ce monde
qui brille de vivre
libre
en …suspend
léger léger
et devient …………
l’oiseau