Sept chants pour Yemanja

Le Brésil est entièrement liée à la possibilité d’un récit et la poésie a l’épaisseur du chant vivant. La fascination des rites anciens et les dieux de plein pieds chevauchent l’humain au corps des vies. L’hymne à la vie de Yemanja dans le panthéon des rites Yoruba de Bahia.
Entrer dans la proximité et sentir. l’effluve, l’odeur et la musique, entrer comme un chant dans la forêt, errer dans l’univers marin.
Dans l’humeur des rives comme des hauts fonds dans le thorax et les jambes, la matière du monde dans l’esprit habite et la rumeur est noire, elle se dépose dans les trainée de fleurs. L’ombre des grands arbres comme en négatif,  l’eau bute sur la terre où  vibre l’énergie, la sexualité et la manière brutale qu’ont de se  manifester les rêves.

Ce projet est maintenant un livre sous le titre de « Terres en rives du monde » et est publié par les éditions du petit Véhicule avec les encres de la série « Mindscape » du peintre australien Denis Smith.

GAIE A L’AISE DE LA PEAU

Une lampée sur la langue

Tombent de l’arbre des noms aux peaux de fauves

Chiures d’oiseaux pelage des terres
mottes retournées par le labour des bœufs

Pleurent pelures et reliques
que je vois se reproduire en somme sans se soustraire

L’égarement des rouilles
les déraillements
assis
je retire le JE du sac

J’ouvre la fenêtre

Du train le jette dans la vitesse

Les rames d’une nuit et les heurts
des bruits dans la proximité

Et si au bord de l’eau et si les flots sirène

Si les femmes tendent à la beauté un reflet

Leur ventre qu’elles veulent arrondi

Que leur chevelure conque aux fleurs de l’océan
aux flots même qui chevauchent comme l’hippocampe
les dessous de la magie où submerge l’amour

Immense

Si le corps soudain si dense enveloppe la chair
si l’air enfle les robes dans le sens inverse à la corvée
regard tournée vers l’eau au puits de l’intérieur

Richesse des gestes de tous les jours

don
du corps
à la fécondité

Embrasse la jouissance, les flots et la puissance

Le blanc rappelle l’écume,
en gestation la métamorphose

L’océan est femme
au couchant d’argent libère la Licorne

Noire,
au plus grand fond de l’eau
la grande muraille
profonde

Énumération des vagues surplis sans fin des colliers
où se croisent les couleurs, l’âme et les étreintes

Dans le fracas des roches
le cliquetis des bracelets
l’éclat solaire des perles
et les colliers
au soleil d’offrande
ramenées des floraisons
offertes au labour des vagues
au calme plat de la surface

L’errance et un vivier
la volonté propre de l’eau
alimente les
cris des naïades
plasma des nouveau-nés
mouvements dorsaux des rameurs
puissance de la remontée

Ne donne pas l’idée de ce qu’Océan veut dire

Dans la mémoire
sur la baie des baleines
dans ma voix l’extase des cétacés
au bord du torrent les truites
quand remontent les saumons
dans les fleuves et les rivières
dans le coquillage
Le bain de la pieuvre
la déesse jouie sous l’eau

L’ombre des grands arbres

C’est le pays qui s’éprend de  la touffeur

la douleur figée dans l’attente

il a changé de visage

Pierres flots océan

terre et plantes

Venus la mort la maladie le sexe et la langueur

un taillis surgi de la forêt

l’indien

effile les fils les plus inextricables

l’œil y renonce

Parce qu’il y a beaucoup trop d’or

qu’elle sème au vent
entre les brins d’herbes
deux bras enserrent le fleuve

D’une étoile

le visage aimé scintille – as-tu joui ?
la voix grave, le chœur des chaînes
d’une chair crasseuse mais repue
une plante grasse           l’eau carnivore

Les seins d’une femme
dans le ventre
capte le feu tapi

Trou ouvertement creusé les pattes arrières

Où s’efface l’esprit malade
            cauris et plumes

Chants et becs
            les cimes à ras de feuille

Tigres et griffures
            ailes des aigrettes

La parure indienne
            venue d’où ?

Les chemins se perdent se retournent à chaque pas

L’accent fluet
            désengorge le bois vert

L’effluve feule
            l’écorce en sanglot

L’âtre flambe
            des étincelles des Brousses

Un arbre arraché
            fait saigner la paume

L’étreinte dans les grands arbres siffle

Cette marée immense

Suppose qu’elle te regarde
nue dans la vase,

la rivière,     

éteinte elle brûle dans l’ombre
comme la lumière
ce feu des hanches
ne retient plus le fleuve
devenue lézard
s’échappe de la calebasse
perd sa queue
l’eau est ainsi feu froid

Ayant banni de l’eau
la digue
qu’à jamais disparue
la ligne
dans ta main se détache
flamme comme un oiseau
tu en as les plumes
ne t’enflamme plus

Visage évanoui
deux traits
la raideur triste
de tes cheveux

Cette terre inculte 
cette vallée noire

fournaise moite

ce vertébré qui grogne
ces nuées
ses brumes qui trempent
ces mousses
et les champignons
les arbres dans la montagne
l’edelweiss et l’Everest
les fleurs tardives
les chardons

et l’homme à dos d’âne

Comme des crépuscules comme en plein jour

Mais surtout nimbée de soir
sur le matin blanc
le cygne
la lune essoufflée
entre les bois sombres
elle pleure
dans la brillance du noir
ou l’ange du matin
il faut descendre plus bas que les seins
j’aperçois les grains de lune
glisser plus bas que l’eau
dans le corps à la blancheur
mate et mure
dévaler cette douceur
comme une soie brune

Comme des crépuscules comme en plein jour

Nuit catastrophique réveil troublé
clairière attendue

la fougère est soudaine

mordu le brin coupant
mélodie au fil de l’herbe

deux pieds sur terre
sont un nid de boue

ruisseau étincelant
ruisseau désaltérant

mon museau dans l’eau est d’une biche

d’un éléphant aux doigts de fée
ce n’est pas moi qui fais ce bruit
mais les grenouilles

Si en moi pèse la nuit

Je veux me retrouver près des grands arbres,
sans effets grimper aux branches –

Gratter la lune serrer le bois – être dans le temps

La nuit je vais où vont les bêtes
m’abreuver à l’eau qui parle

Y ai bu parfois

La source entre les jambes
l’épanouissement coule à l’aplomb
là où le gîte meugle

J’entends les mugissements et les bestiaux

Écourter ce sommeil
je sens plier les ventres
là où je plonge les mains dérangent

Ce qui repose renvoie à l’eau
les ellipses les cercles
la feuille dans le remous

Les doigts défilent les mailles.

Les herbes intimes
inclinent à la fraicheur
dos à la courbe
une chevauchée entaille

Ce lit de sable
les quartzs roses
emplissent
les estuaires