Géographies sacrées

Sacred Geographies of Ancient Amazonia: Historical Ecology of Social Complexity

by Denise P Schaan
Left Coast Press, 2012
Cloth: 978-1-59874-505-4 | eISBN: 978-1-61132-799-1

(traduit librement de l’anglais de  Bibliovault.org

Si le légendaire « El Dorado » n’était qu’une légende, la cité de l’or, les étonnantes nouvelles découvertes révèlent une civilisation ancienne majeure en Amazonie qui était plus complexe que tout ce que l’on aurait pu imaginer jusque là. Les spécialistes mettaient en avant le fait l’écosystème de l’Amazonie réduisaient les possibilités en termes de taille et de complexité des cultures mais cette idée est renversée par Denise Schaan, une chercheur de premier plan, en montrant comment les gestions des ressources et des terres de culture sur une grande échelle peut nous donner une image complètement différente de l’histoire de l’Amazonie indigène. Elle nous entraine aussi dans un débat sur des questions de fonds comme les perspectives de la complexité sociale  et l’importance de l’Amazonie ancienne dans une perspective globale. Ce livre, novateur et interdisciplinaire est une contribution majeure à l’étude des relation entre l’homme et l’environnement, la complexité sociale et les sociétés indigènes du passé et actuelles.

Ce livre tombe à pic ! il y a quelques jours je relisais le prologue au livre « Saudades do Brasil » de Claude Levi-Strauss, j’avais été fasciné par ce qu’il disait des observations faites en 1541  par les premiers explorateurs espagnol de l’Amazonie qui remontant le fleuve, aperçurent de véritables villes.

Le frère Gaspar de Carvajal rapporte qu’elles s’étendaient chacune sur plusieurs lieues et comportaient des centaines de grandes maisons d’une blancheur éclatante, habitées par une population très dense à la manière de chefferies avec tous les alliances et antagonismes que cela suppose. Ces villes étaient défendues par des fortification ornées de sculptures monumentales, des routes bien entretenues, plantées d’arbres fruitiers, traversaient des champs cultivés, allaient très loin jusqu’à on ne sait quelles autres centres habités.  L’abondance règnait.

Un siècle plus tard, toujours selon Lévi-Strauss, une expédition était missionnée pour éliminer tous les indiens, qui étaient si nombreux, disait on,  qu’une flèche tirée en l’air serait à coup sûr retombée sur la tête de quelqu’un. Par la suite, cette civilisation semble avoir disparu et les envahisseurs européen, voyageurs et savants, ne virent plus que tribus sauvages, le mythe de l’Amazonie s’était installé et était entériné.

Jusqu’à ce que ! Et pourtant les récits des premiers voyageurs relatés plus haut, le disaient clairement, mais on ne voulait pas les croire, cela semblait trop invraisemblable, car les tribus étaient sauvage ou était-ce le mythe de la forêt ? Trop souvent, comme le démontre les dessins et les textes des européens, l’idée que l’on se fait de l’autre prédomine et l’inconcevable demeure erreur, aujourd’hui encore, et bien que l’on sache tous les merveilles de la région, bien que l’on s’aperçoivent de la richesse des cultures indiennes, l’idée n’a toujours pas changé. mais les recherches avance et ce qu’elle découvre finit par s’imposer.

L’embouchure de l’Amazone avec au centre l’ile de Marajo

Les recherches archéologiques, en particulier sur l’île de Marajo, à l’embouchure de l’Amazone, laissent percevoir qu’une véritable civilisation amazonienne autonome, et non un résiduel des civilisations andines, existaient. Cités, vestiges en brique, cultures , réseaux de routes conduisant à des régions éloignées, sont mis à nu. Les différence entre les types d’habitat laissent  percevoir une société fortement hiérarchisée. Lévi-Strauss estime que les populations du bassin amazonien comptaient de sept à huit millions d’hommes, dont les peuplement remonterait au deçà du dixième millénaire, période où le détroit de Béring est supposé avoir vu passé les migration indiennes.

Levi-Strauss :

A Marajo et sur le bas-Amazone, des objets de pierre superbement polis, des céramiques peintes et ornées de motifs modelés étaient attribuées à l’influence des civilisations andines. Elles auraient dégénéré, croyait on dans la forêt tropicale humide, pauvre en ressources animales et végétale et dont le sol et le climat défavoriserait les établissement humains C’était méconnaitre les possibilités agricoles offertes par les plaines alluviales le long du fleuve et des rivières, et surtout le fait, démontré par les botanistes travaillant sur le terrain et d’après les photographies aériennes, que la forêt amazonienne n’est pas partout aussi primaire qu’on se plaisait à le dire. En maints endroits, la forêt a repris le dessus quand furent exterminés ou chassés dans les interfluves les indiens qui l’avaient défrichée et cultivée.

La photographie aérienne sur les pourtours de l’Amazonie, en Colombie et  Bolivie,  montre les vestiges de systèmes agricoles perfectionnés datant des premiers siècles de notre ère. Sur des dizaines et parfois des centaines de milliers d’hectares de terres inondables, des talus élevés de main d’homme , longs de plusieurs centaines de mètres, séparés par des canaux de drainage, assuraient une irrigation permanente et mettaient les cultures à l’abri des eaux. On y pratiquait une agriculture intensive à base de tubercules, qui associée à la pêche dans les canaux, pouvaient nourrir plus de mille habitants au km / carré.

sources http://www.formesdufoncier.org

[Cet article présente la découverte, tout à fait spectaculaire, faite par les archéologues brésiliens, de structures agraires précolombiennes situées sous la forêt amazonienne et mises au jour par les défrichements du front pionnier. Ces centaines de structures de terre, visibles par leurs microreliefs, indiquent qu’avant cette forêt, et dans cette région des confins entre le Brésil et la Bolivie, le milieu était ouvert et occupé.]

 

Levi-Strauss fait ensuite remonter les découvertes archéologiques les plus anciennes à des dates antérieures aux anciens empires pré-colombien ce qui ferait du bassin amazonien le berceau d’où sortirent les civilisations andines. Pire il faudrait remonter à des strates archéologiques datant du troisième millénaire pour trouver un mode de vie comparable à ceux observables actuellement.

On imagine combien ces idées ont pu m’enthousiasmer et m’intriguer.  Même si les découvertes sur l’ile de Marajo sont bien connues, je cherchais des études qui confirment l’existence de cette fascinante civilisation amazonienne, que l’on refuse toujours de reconnaitre, se tenant toujours dans une posture facile et confortable du bon sauvage qui après tout n’a aucun droit à la terre de la forêt, des plateaux, car il n’en fait rien , croit on , cette étude qui semble d’ampleur, vient à point nommé creuser cette idée et l’étayer, mettant l’accent, apparemment sur le rapport écologique entre l’homme et la nature, improbable, à prime abord mais qui semble montrer à quel point l’économique peut aussi rimer avec l’écologique et l’exige même, ce qui est tout de même un des points les plus fascinant de la période que nous vivons.

Publié par Lamber Savi

Défiance créative: peindre, écrire, traduire, simplement suivre les bulles du courant http://about.me/lsavigneux

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