A l’orée de chaque poème, dans le souffle inaugural qui le suscite, il y moins chez Octavio Paz le désir d’une affirmation qu’une sorte de sursaut matinal, un élan quasiment incoercible de l’être, spirituel et charnel tout ensemble, vers l’indéfini du dehors, vers ce qui n’a ni lieu ni forme ni figure – et qui l’attent d’un homme et de son regard.
(…) par delà même la magnificence d’une parole, c’est bien ce refus de l’inéluctable, cette rébellion sans relâche fomentée contre les certitudes acquises, les savoirs de la veille – et, devant eux, comme inentamée, la muraille obscure du monde.
J’ouvre les yeux
je suisEncore vif
au centred’une blessure encore fraîche
La parole de la poésie est à l’image de cette terre, de cette histoire que nous vivons : éparse, dévastée de vide, lacunaire.
Furieusement
VireSur un reflet
TombeEn ligne droite
BlancheurAffilée
Monte
Le bec sanglant déjà
Sel épars
A peine ligneQuand tombe
DroitTon regard
Sur cette pageDissoute
© Octavio Paz, Versant Est et © préface de ClaudeEsteban ; ed. Poésie/Gallimard.