et comme en clin d’œil à Utopia (lui même renvoyant peut être à ce lieu du désert ou Emily Kngwarreye s’empare de la souffrance en milieu désorienté et répare, où la vie blessée se réinvente, où l’immémorial se mêle à et démêle le présent, l’emmêlant d’ Utopia i-mémoire, à ronger le présent et préparer l’esprit à se survivre en confrontant le socle de la modernité, là où les mégapoles,
célèbrent la vanité comme nouveau genre, modernité insensé des anciennes vanités, où le crane mystique est remplacé par les signes reflet du commercial ambiant, la situation prévaut et l’aborigène s’empare du concept et l’emplie de sens.
comme un clin d’œil à « la mémoire des esclavages » dont Édouard Glissant a été un chantre et qui désormais mémoire bien ancrée et défendue, figures blanches sacrifiées dressées vers l’océan, l’eau dont elle parle, l’eau de mort de la traversée que l’inscription dans la langue de la mémoire, c’est le travail de l’opaque poésie, giacométisation comme créolisation, sculpture de l’humain dans la souffrance du bloc pour aborder le siècle comme un nouveau départ, non comme un retour mais une continuation permettant de laisser les fers défaits les corps et l’esprit devenir moins lourd,
l’opacité gagnée au tremblement se laisse aller à la nécessaire utopie, ailes de papillon joignant les bords d’un présent d’incertitude, Fukushima est peut être le battement d’aile que Bonnard entrevoyait , ou bien les couleurs sont elles à venir ? le peintre reprend les pinceaux et déterminé à incarner, soudain, les emplit de couleur – mais d’abord le blanc, le blanc comme impossibilité de se servir du noir trop proche, trop connoté, le blanc me renvoie au spectre de hantise,
la couleur démenti par le sourire viendra plus tard

et comme un clin d’œil cette jeunesse arpente les « traces » écho aux fastes et chaos invoqué par Edouard Glissant, elle insiste sur les traces car on vit sur les traces, traces qui sont empreintes, restes et mémoire de ce qui fut vie, geste et souffrance qui se retrouve dans le quotidien antillais, même enfoui ou revécu sous d’autres formes, comme un recommencement dont il faut guérir, les peintures de Patrice-Flora Praxo ramène aux lieu des « Abymes » de l’indicible, semblent tisser des liens le long des déchirements que la civilisation occidentales s’est infligé, a infligé à l’autre, à la peau noire pourtant nommée couleur donc puits de vie, des esclavages dont la jeunesse tente de refleurir la part d’elle même laissée là d’où l’on ne revient pas ou mal ,
Édouard glissant dit « Il faudrait une peinture réaliste pour montrer le gouffre… »
la peinture dit ce poids tout comme les livres « tout-monde, « Mahagony » et d’autres ont tenté de le dire. L’esclavage après un bras de fer avec la bonne conscience blanche est finalement reconnu crime contre l’humanité, la colonisation n’est pas un bienfait qui aurait apporté la connaissance mais une déchirure, l’humanité tente de gué&rir d’une part d’elle même – les holocaustes, mot poli pour dire le massacre, la peinture reçoit, tout comme la littérature, (Césaire, Fanon, Glissant ont ramené à la surface ce qui stagnait dans l’âme intranquille, la fracture présence malgré le calme apparent, malgré la surface apparemment joyeuse, la volonté et la poussée tropicale, les chants de biguine ou calypso, zouk qui cachent la cassure mais maintiennent ouverte la force de vie, le bel air qu’ils célèbrent, que je vois dans la vitalité de qui sait l’anéantissement et heureux d’en être revenu, la force tatouée dans les plis de l’âme, qui dit pli dit envers et endroit qui finalement forment un tout vibrant dans le sourire de terre, l’obstination inscrite profondément dans les rythmes sacrés, rappel du vital que les mains et les pieds revenant d’Afrique célèbrent, gwoka, samba, condamblé, les échos semblent vouloir disperser l’entassement, la négation d »être quand la mort est préférable quand René Depestre dit que le zombi, image de mort vivant hante la condition.
© photo Patrice-Flora Praxo
Mais l’œil ne cligne plus et le peintre comme le poète pour résister au crime quand Celan dans la langue du crime finit et relance la poésie et que le peintre Zoran Music dessine les traits d’un voile jeté par les camps sur la mort ; la peintre antillaise les rejoint, supporte le poids pour traverser le gouffre, se libérer et se révéler en vie, colorée de nouveau, couleur que je trouve de la plus belle peau.
une pensée me vient, que loin d’éclipser la force tragique du tableau, la beauté rayonnante conquise sur la souffrance vient se superposer à la hantise et donne une direction nouvelle qui veut … être ? quoiqu’elle vienne de là, et malgré le poids, elle n’y est déjà plus et a rejoint le présent de celle qui en ce moment même est et vie.
c’est réparer la souffrance toujours présente, même indistinctement chez les jeunes générations qui n’ont pas connu l’esclavage, mais comme dans « humus » de Fabienne Kanor, qu’elle évoque comme une figure importante du panorama créole, qui a cessé d’être créole pour être de ce temps, revivant la meurtrissure du passé voulant peut être rallier le lieux et les êtres d’avant avant que d’être là où les différences n’ont plus cours et que seuls demeurent les lieux où l’on se trouve , qui ne sont qu’à vivre, assurément pas intrus, en espérant que d’autres n’en entament pas la conquête,
il n’est d’autre solution que le Tout-monde et les traces des corps sur le tableau entasse un surplus à vivre, grave le support des arrachement qui sanglants encore affirment qu’il n’y a plus de là ni de quand ni de lieu ; le eux de chacun se résume à eux de ceux qui sortent de ses traces, humains dont les vies brisées giclent du mélange pigmentaire que la toile recueille , que l’on trace sur le sable et que le vent emporte chargé d’énergie de ceux qui tentent,
en attendant la jeunesse s’en empare, réactualise la mémoire et la tisse aux fibres les plus communes de la vie contemporaine, cinéma ou photographie, d’aujourd’hui le temps plonge ou chevauche le récit des ancêtres, trou béant et déchirure faite à l’humanité et que Glissant convoque dans son intuition et que l’on voit rêver assis sur le rivage à sa résolution, qu’il voudrait voir vivre et sortir de la brume, il y faut du réalisme pour franchir le gouffre .
elle dirait mettre sur pause, car le définitif est du domaine du sacré, preuve que ceux qui ont précédés ne sont pas loin, pour toutes ces raisons et pour bien d’autres, le siècle et tout ce qu’il recouvre de l’éphémère en ligne de mire, du présent que l’on veut vivre que le parcours de Patrice-Flora Praxo est important, elle nous ramène le siècle comme une trace venue de loin.
© photo Patrice-Flora Praxo
à lire l’article et interview de Patrice-Flora Praxo sur www.fxgpariscaraibe.com et le catalogue sur calaméo