Pourquoi ne pas parler est se mentir ou comme refermer un rideau sur un pan de la réalité. Mais dire c’est faire entrer dans le système de la réalité de l’autre et de la sienne, une autre réalité qui va effacer l’ancienne, c’est entrer dans une zone rouge. Les mots que l’on utilise dans un poème ou un texte ne sont pas forcément opaques, on pourrait croire qu’ils servent à cacher tout en révélant un bout de ce que pour de nombreuses raisons on n’a pas envie de signifier avec toute la clarté voulue. Je me souviens avoir lu un texte de Saïd citant Nietzsche à ce sujet. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le moteur de l’écrivain est ce qu’il ne veut pas révéler. Il faut donc creuser ? La poésie et le langage poétique par son déphasage est particulièrement propice à ce jeu ou à ce glissement de sens. Un texte vaudrait autant par ce qu’il cache que par ce qu’il révèle et les mots par l’ambiguïté lexicale et syntaxique, seraient un formidable révélateur de sens que les glissements permettent d’opérer entre proximité et parallélisme. Il se peut que laisser les mots à bride abattue soit aussi une façon de rechercher le sens, d’ouvrir une porte obscure d’apparition plutôt que de cerner avec une précision lexicale stricte une « mais qu’est-ce qu’il se cache derrière cet apparemment vide », et puis tout un monde de couleurs et de sensations, d’associations d’idées et de rapprochements compliquent tellement les choses. Ce pourrait être un appel, une célébration jazzistique dans son essence à convoquer la totalité de la vie dans ses mots, et partant dans son être que l’on espère mettre en partage.Ce que l’on aime dans les parades de la Nouvelle Orléans et cette décision de participer, de s’immiscer dans la session, peut on le trouver dans l’écriture, y a t’il un lieu où se retrouver, un espace où l’appel de l’écriture peut être repris en choeur, par des lecteurs et chanteurs, qui scanderaient , rythmeraient les phrases quand elles s’écrivent sans délai, tout à la joie de lire, je rêve. Il y a bien un décalage et un jeu de dupe.
Mais au bout d’un moment il est bon d’appeler un chat un chat, laisser tomber l’opacité littéraire et les méandres de l’esprit métaphorique pour, sans détour, exprimer ce que l’on ressent et a envie de dire. Quitte à être clumsy, maladroit, gauche imprécis, insatisfaisant, mais, naïvement ayant envie d’accéder à un bout de vérité, de concret ne plus le lâcher.(pourquoi l’écrire si ce n’est pour le dépasser ou le révéler, le mettre en scène ?) C’est ce que me semble, Henri Miller tente de faire, autant dans ses superbes écrits où il se raconte, tout au temps présent et à la naïveté de ses aquarelles. Il n’a pas cette hésitation qui est à la base de bien des romans fleuves, quoique c’est peut être toute son œuvre qui s’écoule ainsi.
Rentrer dans la danse. Avoir en tête une phrase à dire et la dire. L’aspect brutal de cette révélation a un effet de pavé dans la mare et nous prive de nager en eau trouble, oui , mais ça ouvre des portes. Alors délibérément dire le mot et voir ce que cela provoque, tout comme cesser de penser à une femme tout le temps et lâcher un mot de trop, rougeur, embarras envie de se terrer ou sourire gourmand, les choses d’un coup ne sont plus les mêmes, question de perspective, d’ouverture ou de fermeture et c’est pour ça que je ne le lâche pas, le mot, enfin pas directement. Or supposons qu’au lieu de bavarder je lâche le mot que je ne tiens pas trop à dire. Que j’ai le temps de creuser et de dire un deuxième mot et ainsi de suite, et sans regarder ailleurs l’air innocent , je continue comme une mitrailleuse à dire des mots voulus, choisis, assumés. Ce serait comme un aiguillage nouveau.
Mais écrit -on pour affirmer quelque chose de définitif ou bien est ce le processus quitte à s’y noyer, qui nous intéresse. Auquel cas la recette est simple, dire un premier mot et se mettre à tricoter, avaler les kilomètres en resserrant le récit au fur et à mesure que l’on dévale ce paysage. Pendant ce temps là, ce qui pourrait gambader à l’air libre et risquer de se faire croquer à chaque coin de rue par les prédateurs, se terre. Plutôt réclamer une clarté et une vision athlétique. Il y a un engagement à le faire, une tentative de se cerner, athlétique car elle renforce les chevilles et les mollets et exige de courir pourvu qu’on la mette en pratique, fatigué de l’immobilité mystérieuse et attentive.
Un texte qui pousse à exprimer sa lumière dans le courant de la vie. Des trésors chez toi.
merci mon amie, j’essaye de jouer ce jazz dont j’ai tant besoin , il ne faut pas s’arrêter , c’est l’air que l’on respire, j’espère que tu vas bien , bises L
Je comprends pas mal de chose en ce moment, l’âme me souffle : va et vis…
Je t’embrasse.
Tant mieux, redonne nous du beau lire !
l’écriture et les émotions de l’instant, mes papillons à chérir. 😉