L’inculte a une figure d’esthète, je suppose que c’est une chance d’avoir pu tenter de noyer l’assassin dans un flot de mots et d’avoir combattu la brume pour échapper au voleur, à cette conviction de voir mourir par étouffement enterré à force de grand renfort de brouette de terre, j’allais périr quand j’ai ouvert la porte de la chambre condamnée, Barbe bleue était parti faire un tour du moins la pièce était vide et elle était chargée de livres.
Avoir grandi dans l’ombre des grandes bibliothèques, qui me semblaient énormes qui l’étaient peut être moins, avec des livres dans les placards, des livres d’une autre époque que l’on ne lisait plus, le voleur est pendu, le voyageur s’initie à l’opium, les musiques sont de cristal et je suis un enfant, une éponge dans ce bain de la fertilité, j’absorbe. Dans la campagne de brume, mes jeux et mes découvertes se fondaient au propre comme au figuré dans le bouquet d’arbres et le pré que la fenêtre au bord de la bibliothèque semblait prolonger sans qu’il n’y ai aucune différence ni de frontière.
Cela semblait désespérant car rien n’arrêtait cette échappée, ma longue course à travers les lieux et les livres, une aveugle histoire aborigène tout était prétexte à ce déplacement, les grandes légendes ne sont des portes vers des lointains, je les ouvre j’accède au parfum comme celui de cette femme sombre et que le hasard matérialise dans une poche rare, et puis les journaux froissés du quai du train, mes pas frôlent les ailes de ces papillons tristes qu’il faut ouvrir pour réveiller le grincement du coffre à rêve quand il s’ouvre et que je vais remplir entassant les rayons de sens caché.