J’aboie, je bois je, j’abjure à la grande illusion qui me fait voir le monde comme un grand verre d’eau, à moitié vide à moitié plein, la paille violemment ancrée dans mon iris poutre qui flotte sur l’eau et les quatre mondes de la transformation nécessitent la diversité , éboulement vital que je ne vois plus dans la solitude éteinte, astre qui beugle comme à un enterrement en Louisiane
Qu’est-ce qu’on s’emmerde à être Un dans ce Un cosmique des myriades d’étoiles ces trilliard de vaguelettes que j’envoie à travers l’atmosphère chargée d’humidité comme un tapage silencieux dans ce beuglant unanime ou plus rien ne sert de raisonner ! personne n’a donc survécu ?! mais comment concerter? ferai-je toutes les voix à moi tout seul , que ne donnerai-je pour un collé serré mignon , douces fleurs tropicales abeille qui butine à mes narines ! que ne puis je crier « terre » « terre » et hurler de rire libératoire ni une ni deux repeupler reboiser ce désert sans bestiaire je sens mon ventre gonfler n’est que d’eau ou une bulle de l’air , je le sens sous mes cuisses qui veut donner naissance au tragique salvateur de l’ennui métaphysique , sueur crachat les eaux reviennent la houle sur le corps et fracassent la normalité la tranquillité le repos éveillé d’une vie qui se suspend.
Sur le pont rouge déferle de mon désir le déluge cathartique assis sous le big one dans la position du lotus j’ouvre la bouche par où s’infiltre la grosse catastrophe m’entraine dans le sillage des marées jetées en patée à la lune en pâture aux grandes ourses de l’éther à l’affut de l’enchainement de la vie à la vie
Or , fait indiscutable , je suis seule de chez seule sur cette eau planante éloignée de toute plage de tout fond de toute chimère transitoire
se pose dès lors la question de mon caractère car hors de la relation la plus petite cellule ne saurai constituer un personnage , et je dépéri, je n’y consens pas la tête entre les mains l’angoisse au plus fort de ne pouvoir me concevoir , hors des pointillés point de planche de salut, planche à pirate, planche à découper , qu’importe pourvus que l’intrigue m’absorbe, me rejette de ce cabinet noir et que l’enfer cet insoluble cet indénouable nous précipite ! je convoque l’humanité , l’animalité la musique des sphères, l’accroche note , l’accroche cœur et l’accroc l’entaille le friable le mal dit de la vie humaine qui agglutine car même si le protagoniste semble tenir au mépris du théâtre qui commence au chiffre deux semble vouloir se contenter du portrait et à l’introspection du monde en soi tel qu’il se décrypte, se fend, se sédimente dans l’ovule et la disparition et non que je craigne l’absurdité du monologue, quel mal y a-t-il à projeter sans fatigue des ribambelles de rubans à l’astre, je parle comme le vent souffle comme les marées s’attirent je parle non le problème ce serait plutôt que le théâtre est supposé sortir du vrac de l’existence cahin caha et faire des vagues un peu comme qui dirait une voiture vous éclabousse au passage et là rien de tel l’eau est d’un plat imperturbable et moi là sur le canoé gonflable j’ai l’air d’une grosse omelette ou d’une chantilly avachie et preuve que ça va pas j’ai du me mettre à parler bizarrement pour faire mon intéressante et créer vous le public alors que dehors il n’y a rien personne pas même des mouettes que l’on s’efforcerait de faire parler –elle rit – vos gueules les mouettes , ah ah ah – mais il n’y a pas un brin de vent , voyez comme dans la nouvelle de Conrad, pas un souffle et l’oralité n’y est pas ni l’harmonie visuelle car seule sur un bout de bois en plein océan l’univers à tôt faire de vous rabougrir et vous renvoyer à l’immensité marine et au liquide vous niant par la logique en quelque sorte car une existence trop particulière , Bombard or not Bombard ne saurai subsister longtemps qu’à force de la plus forte obstination à exister
Or dites le moi supposés témoins de mes délires pourquoi continuer à être là les deux pieds sur l’eau à me prendre pour Dieu ou quelqu’autre possibilité de dialogue que la schizophrénie.
J’ai pensé à inventer un personnage, un colocataire pour meubler le silence, un autre moi comme qui dirait déguisé en poisson chat ou en caniche, aurai-je assez de force créatrice pour dessiner une véritable personnalité , un personnage à part entière et qui m’échapperait, ferait couler le navire, risquerait pris de panique de me dévorer ou de me faire la leçon jour après jour et sans discontinuer comme un robinet qui resterait ouvert et coulerait coulerait jusqu’à emplir le navire de plastique de sa masse verbale , car un personnage existe au risque de soi et de la relation l’autre,
qui est peut être l’océan ou l’eau ontologique en devenir prête à surgir d’un atome et même du silence avant qu’il n’y ait de glace
Je me tâte, en effet j’ai un corps, que je peux tâter tant qu’il n’a pas perdu trop d’eau pas trop atrophié, et toujours source de plaisir même opposé à la vastitude adverse contradictoire, immense esprit de contradiction qui dépasse l’eau et m’englobe tout entier moi qui ne semble plus avoir de semblables et qui suis comme isolée
Car une des tragédies de cet isolement de facto irrémédiable c’est de ne pouvoir non plus supposer de développement alors m’opposer au néant? Tenter de percer à jour ce puits d’intrigue sans fond qu’on dirait « bouché » non magnétique et comme laissé à lui-même au risque de me répéter inlassablement
Ce qui fait comme disait Hamlet le « rub » sans lequel il n’y a de repos , de mémoire : Ay ! there’s he rub !