Le désir, Son désir exigeait je crois, de Titien sinon qu’il dépèce les apparences, au moins qu’il pénètre et se fonde dans la peau des choses. Or parce qu’ humain et parce que peintre, il a buté contre l’impossibilité d’accomplir un tel acte : la nature profonde, l’animal en l’homme, les poils du monde sont inatteignables, et surtout : irrépétables, irreproductibles. (…)
Les femmes que l’on retrouve dans tant de ses tableaux – ou plutot la femme, cette femme, toujours la même simple et intouchable – rappelle inlassablement son aveu d’impuissance et sa défaite artistique – à lui, le maître. Est-ce l’inquiétude dont tu parlais dans ta lettre que ces femmes incarnent ? Lorsqu’elles sont nues, la couleur de leur chair est de celle dans lesquelles on se noie. Jamais corps peints n’ont tant demandés à être touchés, empoignés – comme Marie Madeleine- s’empoigne à travers sa chevelure. Et pourtant comme tous les corps peints du monde, ceux du Titien ne permettent pas qu’on les palpe, qu’on s’y plonge…
Et puis peut être peu à peu, Titien a compris que dans l’impuissance de sa peinture se cachait la possibilité d’un miracle. Grace aux poils de son pinceau – et à défaut de rendre la texture du pelage du monde –il pouvait subvertir la nature. Incapable de la reproduire, il pouvait toujours la transfigurer. Au lieu de servir les apparences, de lécher leur botte, il pouvait agir sur elle exercer sur elles son privilège. Faire surgir des bras inexistants. Plier des membres contre leur logique. Brouiller les objets jusqu’a les rendre méconnaissables. Faire trembler les contours, jusqu’à ce qu’ils représentent la matière sans contours. Gommer la différence entre les corps vivants et les cadavres. ….
La vérité c’est que la peinture du Titien est elle même intouchable, inviolable, elle appelle puis interdit. Nous cloue le bec. Peut être est ce la vengeance du peintre contre l’insupportable résistance des choses à se laisser posséder
© John Berger et Katia Berger Andreadakis (Titien, la nymphe et le berger, Fage)
Bonjour
Pèlerinage vers une source ?
Invite à la méditation…
Au final, la pertinence d’un éclairage.
Marie-Christine
plutot une réflexion sur la peinture,
Certes…
L’éclairage au final pose bien la peinture.
Mais comme en moi, tout est intimement relié…
Tout est main dans ma voix…
Les deux Danaé exposées… à la carnation si différente… l’une celle du Prado a la couleur opale d’un coquillage longtemps caché, son corps en forme de coupe semble se tendre vers la pluie d’or. La servante hideuse avec son tablier est un gage de véracité. La deuxième Danaé aux rondeurs de joues plus marquées dans la même position affecte a la fois plus de liberté et de distance peut être une certaine forme d’allégorie en tout cas allégresse le petit ange en est la preuve… J e trouve que ces deux tableaux illustrent bien ce dont vous parlez…